Deux semaines après son départ du HAC d’un commun accord avec le club, Romain Djoubri, ex-entraîneur de l’équipe féminine revient pour nous sur son expérience avec le club doyen.
Le club a annoncé votre départ après seulement une seule saison. Que retenez-vous de votre expérience avec l’équipe féminine du HAC ?
Ce que je tire de cette saison à la découverte du foot féminin avec toute sa complexité et son authenticité, c’est que j’ai pris du plaisir, c’est une certitude ! J’ai été agréablement surpris par le niveau de jeu des équipes de D1. Outre les grosses cylindrées, toutes les équipes sont bien armées avec de très bonnes joueuses qui pour certaines passent dans les sélections nationales de jeunes en France ou à l’étranger. Il y a un vrai niveau de pratique avec des oppositions très intéressantes car il y a des coachs de qualité. J’ai découvert un univers performant et qui tend vers de plus en plus de performance. Il y a beaucoup de compétences dans les sections féminines. Je me suis senti bien dans ce championnat et cet environnement.
Est-ce que le foot féminin est fondamentalement différent du foot masculin ?
C’est différent dans l’approche pédagogique et dans la relation humaine entre joueuses et entraîneur. La manière de coacher est différente mais dans la pratique du football, c’est pareil ! Le foot reste le foot, les systèmes, les animations sont identiques. Quelque soit ce que tu décides de mettre en place, ça reste la même activité.
Voudriez-vous retenter une expérience dans le football féminin ou est-ce que vous voulez revenir dans le foot masculin ?
Ça a été une très bonne expérience et donc l’idée, c’est de continuer ou d’y retourner à un moment donné !
Pouvez-vous revenir sur les raisons de votre départ ?
Je préfère que cela reste entre moi et le club. Ce qui s’est dit entre la direction et moi, ça restera entre nous. Mais, on se quitte en excellents termes.
Est-ce que votre départ du HAC a constitué une déception ou est-ce que vous vous y attendiez ?
Joker. ( rires ) Je ne veux pas parler de ça. Le but, c’est de parler de ce qu’on a mis en avant, du maintien qui a été acquis même si on aurait tous aimé faire mieux. Mais l’objectif prioritaire a été atteint en pérennisant l’équipe en D1 Arkema.
Au moment de faire le bilan quelles sont les plus grandes satisfactions cette saison ?
Justement, le maintien, c’est la satisfaction principale ! Même si on aurait aimé faire mieux que la saison dernière ( le HAC finit 9e, une place de moins que la saison précédente ) étant donné que le recrutement avait été fait en ce sens. Ensuite, il y a aussi une joueuse qui a montré tout son talent, c’est Inès Benyahia ! Elle est aujourd’hui en Equipe de France ! Ça a été un prêt gagnant-gagnant ! Il y a aussi des jeunes joueuses qui se sont révélées comme Chancelle Effa Effa ! Ou Mélinda Mendy à un degré moindre. Ça, ce sont les grosses satisfactions en plus des jeunes U19 qui ont montré le bout de leur nez sur la fin de saison quand on a eu la possibilité de leur donner du temps de jeu. Au-delà du classement, l’accompagnement et le suivi des joueuses donnent la sensation du devoir accompli.
Et les plus grandes déceptions ?
On a eu par moment l’opportunité de prendre le bon wagon et on n’a pas réussi. Je pense au match de Montpellier juste avant la trêve hivernale ( défaite 1-2 ) parce que si on ne perd pas à Montpellier, on est dans les 6 premiers et on peut aborder différemment la deuxième partie de saison. Et derrière, les autres équipes passent devant en janvier pendant que notre match contre Bordeaux est reporté. Naturellement, on se retrouve dans la nasse au classement alors qu’il n’y avait pas forcément le feu…
Cette saison, on a vu à plusieurs reprises le HAC dominer le jeu mais sans avoir des résultats qui reflètent cette supériorité. A quoi cela est-il dû ?
On avait des absences, des trous d’air dans la concentration, dans la rigueur. C’est ça qui nous a fait défaut à un moment donné. Ce n’est pas la qualité intrinsèque individuelle ou collective. Il s’agissait plutôt d’absences, d’oublis qui provoquaient des erreurs monumentales. On se faisait punir comme cela arrive souvent dans le football féminin. On peut mener 3-0 à un quart d’heure de la fin et perdre 4-3 à cause de grossières erreurs. Il faut avoir une certaine maturité dans l’approche et la gestion des émotions, c’est très important ! Mais a contrario, on est aussi allés chercher des points là où on ne nous attendait pas. A Fleury, contre Paris à domicile, à Reims à 10 contre 11 face à une équipe qui finit en play-off. On a aussi fait des belles performances. C’est facile de juger sur le classement final et les résultats mais les contenus étaient plutôt bons ! On n’a pas hésité à jouer, on n’a jamais fermé le jeu sauf quand on a été forcé de le faire contre Paris ou Lyon. On a tenté, ça nous a souri par moment et à d’autres non… Et les deux points perdus sur tapis vert nous ont aussi fait beaucoup de mal. Je pense qu’avec ces deux points de plus, on n’aborde pas les 4-5 derniers matchs de la même manière. La saison a tout de même été résolument positive.
En fin de saison, vous avez décidé d’aligner des joueuses habituées à évoluer en U19, était-ce une politique assumée ou plutôt une sanction pour les joueuses plus expérimentées ?
Non, ce n’était pas du tout une sanction ! Il s’agissait simplement de joueuses comme Célestine Boisard, Louise Kleczewski, Ananée Yeboah entre autres. Elles se sont entraînées avec le groupe de D1 toute l’année tout en jouant avec les U19. Elles ont souvent été sur le banc pour faire le nombre et on s’était dit qu’une fois le maintien assuré, on allait leur donner du temps de jeu. D’abord pour les récompenser ! Mais c’est aussi l’ADN du club de former des joueuses ! Et on a vu que sur la fin de saison, une joueuse comme Célestine Boisard aurait pu avoir plus de temps de jeu que ce qu’elle a eu. Maintenant, on le sait !
Justement, le centre de formation est un projet dont on parle depuis plusieurs années dans le cadre de la professionnalisation croissante de la section féminine. Selon vous, le club est-il sur des bons rails dans ce projet de professionnalisation ?
En tout cas, le club s’attache à le faire. La direction sportive œuvre en ce sens. Que ce soit Mathieu Bodmer, Momo El Kharraze, Laure Lepailleur, le Président Roussier ou même M.Volpe un peu plus haut. Ils s’attachent tous à donner une autre dimension à la section. Le gros travail comme chez les garçons se situe sur les infrastructures et leur qualité. S’entraîner à Gagarine, c’est relativement compliqué. Les terrains en herbe sont de très mauvaise qualité et le terrain synthétique est vieillissant ! Le club travaille d’arrache-pied pour professionnaliser les infrastructures pour l’avenir de la section. Le HAC, ça reste un club formateur pour former nos (!) joueuses de manière à faire jouer des joueuses formées au club sans récupérer forcément des joueuses de l’extérieur. C’est certes un investissement mais ça va se répercuter sur la qualité de l’effectif et sur l’aspect financier puisque ça va coûter beaucoup moins cher que de prendre des joueuses de l’extérieur. Il y aura aussi une identité club plus forte !
Le HAC a plusieurs fois été la plus grosse affluence à domicile malgré un stade qui reste visuellement vide. Est-ce finalement plutôt un atout ou un inconvénient de jouer à Océane ?
Très bonne question. Contre les grosses équipes, c’est clairement un inconvénient car le terrain est long et large et que tu ne tiens pas le ballon. Le terrain est aussi de qualité et les équipes sont intrinsèquement meilleures que toi même si sur un match, tout est possible. Mais contre les équipes de ton niveau, ça peut être un avantage car on peut imposer son rythme et son jeu plus facilement même si ça galvanise l’adversaire de jouer dans une enceinte comme Océane. Je serais plutôt partie prenante d’avoir un centre d’entraînement avec une petite tribune de 500-600 places qui fait du bruit à l’image de ce qui se fait à Lyon.
Quelle était l’ambiance dans le groupe ? On a entendu parler de quelques tensions, ont-elles réellement existé ?
Non, il n’y avait pas de tensions. Ce sont des bruits de couloir d’Océane ! Il n’y avait aucune tension. Bien sûr, ça n’a pas toujours été rose, on est dans la compétition, on veut gagner donc on se dit les choses ! Mais de là à parler de tensions, non, pas du tout !
Est-ce que vous connaissez l’identité de celui ou celle qui va vous succéder ?
Non, pas du tout ! Je suis comme vous, je regarde les infos et je vois des rumeurs mais rien de plus.
( Selon Paris-Normandie, Maxime Di Liberto, actuel coach des U19 NAT tiendrait la corde pour remplacer Romain Djoubri. )
Avez-vous des projets futurs concrets suite à votre départ du HAC ? Un club vous a-t-il déjà contacté ?
Oui, quand il y a un coach qui ne fait plus partie d’une aventure, tout de suite, le téléphone sonne. J’ai eu des sollicitations, des prises de contact, j’ai rencontré des gens, on a échangé. De toute manière quelque soit le niveau, quand un coach part, il est naturellement sollicité par d’autres ! Il y a tellement de besoin à tous les niveaux chez les garçons comme chez les féminines.
Quelle image gardez-vous de cette expérience au HAC ?
J’ai une excellente image du club depuis toujours. Je suis normand, je suis passé par Rouen et Oissel mais je ne suis pas estampillé FCR. Je suis loin de tout ça, je suis un passionné, ce que je veux, c’est avoir un vrai projet avec de vraies relations humaines. Le HAC, ça représentait quelque chose d’important pour moi car c’était une étape dans ma carrière. Je connais le HAC depuis tout gamin, je suivais le HAC des Tedj Bensaoula, Robert Llorens, ou Robert Sab, ça ne doit pas parler aux jeunes ( rires ). Pour ceux qui pensent que je n’étais pas havrais, je l’étais ! Je connais bien l’histoire du HAC et j’ai gardé d’excellents rapports, d’excellentes relations et j’ai tissé des liens d’amitié avec des collègues. Que ce soient les commerciaux, les gens de la billetterie, les ressources humaines, la communication, la direction sportive. Je pars en très bons termes, je me sentais chez moi, j’étais dans ma famille au HAC. Comme dans tous les clubs où je vais, je m’imprègne et je sers le club !
Vous continuerez donc à suivre les résultats des équipes masculine et féminine ?
Bien évidemment ! Je viendrai voir les matchs si je suis encore dans le coin. Je suis et resterai un fidèle supporter du club ! Aussi par respect envers ceux qui m’ont donné cette opportunité, cette chance de coacher le HAC ! J’en suis extrêmement reconnaissant !
Avez-vous un autre message à faire passer ?
Je souhaite le meilleur au club, je souhaite qu’il reste en Ligue 1 avec Didier Digard, le nouveau coach que j’ai pu croiser. Je voudrais aussi remercier particulièrement Luka Elsner et son staff qui m’ont accueilli et accompagné en m’ouvrant les portes de Soquence pour discuter. C’était des moments appréciables tout comme les messages d’encouragement ou de félicitations qu’ils m’envoyaient après les matchs. Et aussi passer un petit message pour tous les gens qui travaillent à la Cavée, je ne les oublie pas !
Crédit photo : Sébastien Duret